Pour les articles homonymes, voir Jean Calvin (homonymie).
Jean Cauvin, dit
Calvin (
Noyon,
Picardie,
10 juillet 1509 -
Genève,
27 mai 1564), est sans doute le plus grand théologien français du protestantisme - ou encore, de la "Réforme". Il est l'instigateur du
Calvinisme.
Biographie
Il est, avec
Martin Luther, l'un des initiateurs de la
Réforme protestante, en opposition à certains
dogmes et
rites de l'
Église catholique romaine. Il développe une
Doctrine relativement différente de celle de
Luther, doctrine qu'il expose dans son
Institution de la religion chrétienne, mais c'est surtout par la pratique du
Culte que le
Calvinisme se distingue du
Luthéranisme. On considère généralement la doctrine de Calvin comme un développement de celle de Luther.
Il était fils d'un procureur ecclésiastique. Il fut élevé dans la religion catholique et fut d'abord destiné à l'Église catholique ; mais il quitta cette carrière pour la Jurisprudence, et alla étudier à Orléans, puis à Bourges sous Alciat.
D'abord destiné à une carrière de juriste, s'étant lié avec plusieurs partisans de Martin Luther, il embrassera bientôt les principes de la Réforme pour ensuite, vers 1531, se convertir et développer les théories de la Réforme, commençant dès 1532 à les propager dans Paris. Menacé de prison, il se réfugie d'abord à Angoulême, puis à Nérac auprès de Marguerite de Navarre, qui favorise les protestants. En 1534, suite à l'Affaire des Placards et aux persécutions menées contre les protestants français (aussi appelés huguenots), il doit fuir la France pour s'exiler à Bâle, où il publie, en mars 1536, lInstitution de la religion chrétienne, qui contient l'essentiel de ses idées sur la loi, la foi, la prédication, les sacrements et les rapports entre les chrétiens et l'autorité civile. Il s'agit d'un exposé de la doctrine des novateurs, qu'il traduit lui-même en français, et qui devient comme le Catéchisme des Réformes de France. L'un des changements majeurs introduits par lui a trait aux sacrements : il n'en reconnaît plus que deux - le Baptême et la Communion. Les pasteurs sont désormais élus par les fidèles, et chacune des églises calvinistes est dirigée spirituellement par un conseil élu.
Ce livre aura un retentissement immense. En 1536, il vit à Genève où il a été nommé professeur de Théologie, et où la Réforme vient d'être adoptée. Il y joue un rôle à la fois religieux et politique. C'est Guillaume Farel qui est à l'origine de l'Église réformée de Genève ; toutefois, c'est Calvin qui la dirige. Deux ans après, il est banni de cette ville, pour cause de rigorisme excessif. Il se retire alors à Strasbourg, où, dès le mois d'avril 1538, il propage les nouvelles doctrines.
C'est à Strasbourg qu'il rencontre le Pasteur anabaptiste Jean Stordeur (ou Storder), originaire de Liège, dont il a été expulsé en 1533 avec sa femme Idelette (née Idelette de Bure), pour cause d'appartenance anabaptiste. Calvin se lie d'amitié avec Stordeur et sa femme ; ceux-ci se rallient à sa vision religieuse et se convertissent vite à ses idées. Stordeur toutefois tombe gravement malade dans les mois qui suivent, mourant en quelques jours, au tout début de l'année 1540 ; Calvin reste un proche ami d'Idelette et de ses deux petites filles. Après une réflexion de plusieurs mois, Calvin qui, depuis quelque temps, songe à se marier, décide d'épouser la veuve : Idelette a alors trente-et-un ans, tout comme lui. Le mariage a lieu à Strasbourg, le 1er août 1540. Ce sera, selon les témoignages de l'époque, un mariage heureux, fondé sur une grande estime mutuelle. Ils auront trois enfants, qui tous trois mourront en bas âge : un premier fils naît en février 1542, pour mourir au bout de deux semaines ; un second enfant, né en juillet 1542, connaîtra le même sort ; enfin, un troisième enfant, le 30 mai 1544. Idelette, elle, connaîtra neuf années de mariage avec Jean Calvin, le secondant de façon admirable ; souffrant de gros problèmes de santé, elle mourra toutefois le 2 avril 1549.
En septembre 1541, Calvin est rappelé à Genève.
Il participe à la mise en place d'une République calviniste dans la ville. Néanmoins, ce gouvernement théocratique protestant n'est pas en pleine rupture avec le système de gouvernement et l'état d'esprit du catholicisme médiéval (catholique) : il lutte contre ceux qui ne sont pas favorables à la Réforme, parfois même en les condamnant à l'exil ou à la Peine de mort. À partir de cette époque, il devient très influent dans la ville : aussi ses adversaires le surnomment-ils le pape de Genève. Il fait adopter par le conseil ses articles de foi, ainsi que ses ordonnances sur la discipline ecclésiastique ; il réforme les moeurs aussi bien que les croyances, et, poussant l'ardeur jusqu'à l'intolérance fait brûler l'Italien Gentili et le malheureux Michel Servet pour avoir attaqué le mystère de la trinité (27 octobre 1553).
En 1559, il fonde l'Académie de Genève, dont il confie le rectorat à Théodore de Bèze.
Calvin se distinguait de Luther par une réformation plus radicale, proscrivant tout culte postérieur et toute hiérarchie, ne reconnaissant pas plus le caractère d'évêque et de prêtre que celui de pape, rejetant la messe, le dogme de la présence réelle, l'invocation des saints, etc. ; il enseignait la prédestination absolue des élus et des damnés, ne laissant au libre arbitre qu'une place bien moindre.
Bossuet a tracé un admirable parallèle entre les deux chefs de la Réforme déclarant que « transportés par leurs succès, ils se sont tous deux élevés au dessus de l'autorité des pères ». Bossuet, évêque catholique du XVIIe siècle, fait évidemment référence aux pères de l'Église, des hommes comme Irénée de Lyon ou Augustin d'Hippone. Il était évident pour tous les réformateurs que c'était la Bible qui devait avoir la première place, et elle devait être diffusée à grande échelle et être accessible au plus grand nombre - ce qui favorisera l'alphabétisation des pays protestants. Ni Luther ni Calvin ne sont cependant revenus à l'idéal d'une Église séparée de l'État (comme elle existait à l'époque d'Irénée de Lyon ou de Tertullien de Carthage) ; une Église qui, en conséquence, ne prendrait pas la responsabilité de veiller sur les moeurs d'une cité ou qui ne travaillerait pas dans ce sens en liaison avec les souverains temporels. L'idéal d'une Église totalement affranchie des responsabilités temporelles sera incarné par la branche pacifique des anabaptistes, avec des hommes comme Michael Sattler, Balthazar Hubmaïer ou Menno Simons qui ne doivent pas être confondus avec Thomas Müntzer et les illuminés de Münster. Comme le montre Bernard Cottret dans sa biographie de Calvin, le réformateur genevois était aussi un homme de son temps : ainsi, il céda à certaines superstitions de son époque, lorsqu'il accusa de sorcellerie certains habitants de la ville, lors de la Peste qui ravagea Genève en 1545. Il serait néanmoins injuste de caractériser l'enseignement de Calvin ou de Luther uniquement par leurs déclarations sur la sorcellerie, qui sont des restes d'une mentalité collective moyenâgeuse. Si l'on considère l'ensemble de leurs écrits, Luther et Calvin ont contribué à lutter contre la superstition, amorçant ainsi l'époque moderne.
Calvin et les procès en sorcellerie
La chasse aux sorcières, qui avait débuté en même temps que l'inquisition vers le XIII
e siècle mais n'était que peu pratiquée au départ, se développa et s'étendit tant dans les pays catholiques que dans les pays protestants de l’Europe centrale à partir des années 1450. Les réformateurs
Martin Luther et Jean Calvin recommandaient la chasse aux
sorcières et leur exécution. Jean Calvin se reposait sur l’ancien testament
Exode 22, 18, « tu n’accepteras pas de laisser vivre une sorcière » pour dire que Dieu lui-même voulait la peine de mort pour les sorcières. Calvin s'appuya sur l'Ancien testament pour organiser la réforme à Genève étant donnée la tendance qu'avait sa théologie à mettre l'emphase sur la continuité entre l'Ancien et le Nouveau testament, ainsi que parce que les évangiles et les épitres de Paul et des autres apôtres semblaient davantage conçus pour inviter à la charité chrétienne et à la non-résistance que pour fournir au législateur les règles nécessaires à l'établissement d'une théocratie. Les chasses aux sorcières sont aussi considérés comme se rapprochant du phénomène des psychoses collectives qui se manifestaient en temps de crise durant le Moyen Âge et qui prirent cette forme particulière durant la Renaissance (d'autres y voient aussi un moyen utilisé par les pouvoirs civils pour assoir leur emprise en se chargeant elles-mêmes des jugements et des condamnations, ou encore un fruit de l'esprit de la renaissance dont la valorisation de la raison entrainait une profonde méfiance envers tout ce qui pouvait relever de l'irrationnel comme la magie, les sorcières ou les guérisseuses). Calvin comme beaucoup d'autres Genevois croyait que durant trois années des hommes et des femmes de
Genève avaient propagé la peste par magie. La constitution de l’État théocratique de Genève reconnaissait la peine de mort pour les blasphémateurs, les hérétiques et les sorciers.
Calvin lui-même disait que toutes les sorcières de Peney devaient être éradiquées. Des sermons furent dits dans ce sens. En 1545, en quelques mois à peine, 34 individus, après qu’ils eurent été martyrisés, furent brûlés comme sorciers devant les maisons qu’ils étaient supposés avoir pestiférées.
En 1602 Anton Praetorius, un pasteur calviniste en Allemagne, protesta contre cette partie de la théologie de Calvin et édita son oeuvre « de l’étude approfondie de la sorcellerie et des sorciers » (Von Zauberey vnd Zauberern Gründlicher Bericht).
Principaux ouvrages
Calvin a laissé un grand nombre d'ouvrages, écrits en français ; on trouve dans tous une érudition remarquable, un ton grave, un style souvent entraînant.
- Institution de la religion chrétienne, 1535, dont il a donné lui-même plusieurs éditions originellement publié en Latin en 1536 réédité en Français en 1541
- Traité de la Cène, (1540)
- Traité des reliques, (1543)
- Traité des scandales, (1550)
- Commentaires sur l'Écriture sainte
- Le sommeil des âmes
- Catéchisme de Genève. Choisis la vie … , Editeur / Edition : Kerygma, ISBN 2905464200
- Instruis-moi dans ta vérité, Editeur / Edition : Excelsis, ISBN 2911260155
- Petit traité de la sainte cène, Editeur / Edition : Bergers et Mages, ISBN 2853041324
- Une spiritualité à visage humain, Editeur / Edition : Excelsis, ISBN 2911260810
Publications anciennes
Il a paru plusieurs éditions de ses oeuvres ; la meilleure citée par le Dictionnaire Bouillet au
XIXe siècle est celle d'
Amsterdam,
1667.
Ses Lettres latines ont été publiées par Théodore de Bèze, 1586 (traduit par Antoine Teissier, 1702) ; ses Lettres françaises, par Jules Bonnet, 1854.
Voir aussi
Bibliographie
Bibliographie ancienne
Bibliographie contemporaine
- Calvin, sources et évolution de sa pensée religieuse par François Wendel, 1950, Editeur / Edition : Presses universitaires de France, Paris, réédité par Labor et Fides, Genève, 1985, ISBN 2-8309-0054-5.
- La morale selon Calvin par Éric Fuchs, 1986, Editeur / Edition : Cerf, Paris
- Calvin et la dynamique de la parole, par Olivier Millet, 1992, Editeur : H. Champion, Paris. ISBN 2-85203-241-4.
- La vie de Jean Calvin, par Théodore de Bèze, 1993, Editeur / Edition : Europresse, ISBN 2906287464
- Calvin, par Bernard Cottret, 1998, Editeur / Edition : Petite bibliothèque Payot, ISBN 2228891875
- Jean Calvin, par Denis Crouzet, 2000, Editeur / Edition : Fayard, ISBN 2213606767
- Calvin Mystique - au coeur de la pensée du réformateur, par Carl A. Keller, 2001, Editeur : Labor et Fides, ISBN 2-8309-1002-8.
- Conscience contre violence ou Castellion contre Calvin de Stefan Zweig, 1936, Editeur : Le castor Astral, ISBN 2859202986.
Liens externes
Source partielle
« Jean_Calvin », dans
Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), Dictionnaire universel d'histoire et de géographie, 1878 (Wikisource)